L'HISTOIRE DE SAPPHO

Catégorie : SAPPHO

00011V« Je ne penserai jamais à mes succès à bord de Sappho sans vous y associer » avait sportivement écrit en 1870 au Capitaine britannique George Greenham le propriétaire de la goélette, le vice commodore adjoint du New York Yacht Club, William P. Douglas. Il faut dire que Greenham l’avait assisté comme pilote lors des trois courses disputées en Manche contre la goélette de l’Anglais James Ashbury, Cambria, les 10, 14 et 17 mai 1870.

Trois courses dont une sur parcours triangulaire de 20 miles de côté et deux disputées d’une traite au près, sur 60 miles !

Douglas et Ashbury avaient peiné avant de fixer les modalités du match dont l’enjeu était une coupe de 50 guinées. Lors de la première manche de louvoyage et après 40 miles de course, Sappho avait une telle avance que Cambria abandonna. Pour un motif obscur, James Ashbury refusa de prendre le départ de la seconde manche de près. Enfin, la course sur parcours triangulaire fut une simple formalité. Sappho finissait avec près de deux heures d’avance sur Cambria…

The Illustrated London News

The Illustrated London News - 28 mai 1870 The Illustrated London News - 28 mai 1870 The Illustrated London News - 28 mai 1870
The Illustrated London News - 21 mai 1870

 

Sappho retourna bientôt aux États-Unis, sans que sa prestation ne décourageât James Ashbury de se rendre quelques semaines plus tard à New York avec Cambria pour y disputer la première America’s Cup jamais disputée.

Salvatore Colacicco : Sappho in the MediterraneanLa goélette Sappho a été doublement liée à l’histoire de l’America’s Cup : pour avoir emporté la décision d’Ashbury de relever le défi pour la conquête de la Cup, d’une part, pour avoir défendu cette même Cup lors du second défi de 1871, d’autre part.

Sappho était un modèle largement inspiré des lignes d’America. Il fut taillé par William Townsend, le principal modeler du chantier des frères C. & R. Poillon, situé à Greenpoint, Brooklyn, New York puis construit en 1867 pour Richard Poillon. En réalité, c’était un investissement spéculatif, les frères Poillon pensant revendre rapidement la belle goélette. Pour cette raison, l’année suivante elle était convoyée par le capitaine Tom Baldwin à Cowes, en Angleterre, après une traversée de 14 jours.

Peu après son arrivée, Sappho fut engagée dans une course autour de l’île de Wight, avec les cotres Condor et Oimara et les goélettes Aline et Cambria, tous plus petits que lui. Appartenant à James Ashbury, Cambria remportait l’épreuve, Sappho finissant bonne dernière. Ce succès conduisit Ashbury à relever le défi lancé en 1857 par le NYYC !

La goélette de Richard Poillon retraversa l’Atlantique sans avoir trouvé preneur. Quelque temps plus tard, Sappho était vendu 50.000 dollars à un éminent membre du NYYC, William P. Douglas qui la confia au Capitaine « Bob » Fish. Celui-ci entreprit d’en modifier la coque. Après avoir été dégarnies, les membrures furent doublées au niveau du bouchain, puis rebordées sans que le bau fut modifié. Seule la carène fut élargie sous la flottaison, de 18 cm de chaque côté ! La stabilité du bateau s’en trouva améliorée d’autant que le lest était renforcé et le gréement repris. Après ces modifications, la vitesse du bateau n’avait plus rien de commun avec les performances antérieures et les succès s’accumulèrent.

Citizens cup race, Newport R.I., August 28th 1871 with Sappho, Columbia and DauntlessÀ la fin de 1869, William P. Douglass et son capitaine Bob Fish firent la traversée de l’Atlantique en un temps record : 12 jours 9 heures et 36 minutes entre New York et Queenstown, un record valable jusqu’en 1905 (Atlantic fit la traversée en 11 jours 16 heures et 22 minutes) ! Quelques mois plus tard en Angleterre, en mai 1870, Sappho remportait tous ses matches contre Cambria…

Si Sappho ne disputa pas la première America’s Cup de 1870, il prenait part aux deux dernières manches contre Livonia, le challenger de James Ashbury, lors de la seconde Cup de 1871. Columbia, l’autre defender sélectionné par le NYYC, venait de courir à trois reprises contre Livonia remportant deux manches et en en perdant une. Ainsi, le 21 octobre 1871 Sappho se retrouvait face à Livonia et s’adjugeait une facile victoire finissant la course, disputée par vent frais, avec une demi-heure d’avance. Deux jours plus tard, le 23 octobre, Sappho défaisait à nouveau Livonia de 25 minutes et 27 secondes. L’America’s Cup restait à New York.

L’année suivante, Sappho retourna en Angleterre. William P. Douglas, alors vice commodore du NYYC, l’inscrivit dans une course en Manche, vers Cherbourg, le 12 juillet 1872, où il devait retrouver les goélettes Guinevre et Livonia. Guinevre se désistant au dernier moment, William refusa de courir contre Ashbury qui avait critiqué l’attitude du NYYC à l’issue des épreuves de l’America’s Cup de 1871. Il prit toutefois le départ 15 minutes après Livonia. À l’arrivée à Cherbourg, Sappho avait 1 heure et 30 minutes d’avance sur son adversaire…

Shane Couch - Sappho off Sandy Hook 1870 Oil on Canvas 12x18inchEn 1876, Sappho fut vendue au Prince napolitain Sciarra de Colonia qui participa souvent aux régates hivernales de la Rivera française. Après la mort du noble Italien, Sappho reprenait la route du Solent. Son nouveau propriétaire anglais, George Marvin, la fit naviguer quelque temps avant de la faire détruire à Cowes, en 1887…

1867 : Course autour de l’île de Wight. Sappho est battue par Cambria la goélette de James Ashbury qui décide alors de lancer le premier défi de l’America’s Cup.
1867-68 : Sappho est acquise par William P. Douglass. Coque partiellement reconstruite par « Bob » Fish.
1869 : Sappho traverse l’Atlantique entre New York et Queenstown dans le temps record de 12 jours, 9 heures et 36 minutes. Ce record tiendra 36 ans !
1870 : Sappho remporte trois matches consécutifs contre Cambria.
1871 : Sappho gagne les deux dernières manches de la seconde America’s Cup en écrasant Livonia à James Ashbury.
1872 : Sappho est à nouveau en Angleterre. Bat Livonia le 12 juillet 1872.
1876 : Sappho est vendue au Prince Sciarra de Colonia, Naples.
1883 : Sappho est la propriété de l’Anglais George Marvin.
1887 : Sappho est détruit à Cowes…